Pourquoi l’aéro mise sur l’hybridation des procédés dans la fabrication additive
Alors que la fabrication additive monte progressivement en puissance dans l’aéronautique, de nouvelles synergies se profilent entre les procédés classiques de production et ces nouvelles technologies. En Occitanie, plusieurs industriels ouvrent la voie et s’engagent dans l’hybridation des procédés.
La fabrication additive n’aurait finalement pas vocation à se substituer aux procédés classiques de fabrication, mais plutôt de venir en complémentarité, en jouant la carte de l’hybridation. C’est le message qu’ont voulu faire passer l’IRT Saint-Exupéry et l’agence de développement économique Add’Oc, co-organisateurs d’une journée technologique intitulée « fabrication additive : multi-matériaux et hybridation des procédés », à laquelle ont participé une centaine d’acteurs économiques de la région, le 15 mai, à Toulouse (Haute-Garonne).
La preuve par l’exemple, avec la présentation d’un projet de plateforme dédiée à l’hybridation des procédés de matriçage/forgeage et de fabrication additive, chez Aubert et Duval (796 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018, 4 000 salariés), à Pamiers, en Ariège, dans le cadre d’un projet conduit par l’IRT Saint-Exupéry.
Doté d’une plateforme technologique dédiée, spécialisée sur les procédés de fabrication métallique par fusion de poudre (principalement titane et alliages de nickel), l’IRT Saint-Exupéry pilote notamment deux grands projets collaboratifs et pluriannuels, Andduro et DePÔz, qui mobilisent ensemble plus d’une vingtaine d’industriels dont Airbus, Safran, Liebherr et Latécoère, autour des matériaux, des procédés et du post-traitement des pièces. Plus récemment, l’IRT a monté le projet Mama (Metallic Advanced Material for Aeronautics), qui associe Airbus, Aubert et Duval, la firme américaine Sciaky, fabricant de machines de fabrication additive métallique par fil et le LGP de l’Enit (Laboratoire génie de production de l’Ecole nationale d’ingénieurs de Tarbes).
« L’objectif est de contribuer à une réduction significative des coûts de production de pièces de structures aéronautiques en titane en faisant évoluer notre procédé de transformation « historique » de forgeage/matriçage, en le couplant à la fabrication additive« , explique Stéphane Hollard, chef de projet Mama à l’IRT Saint-Exupéry et responsable métallique chez Aubert et Duval, à Pamiers. Le site industriel, qui emploie 1 100 salariés, est spécialisé dans la conception et la fabrication de pièces forgées et matricées en aciers spéciaux (alliages de titane et superalliages), principalement pour l’aéronautique.
Mama mobilise un budget de 4,2 millions d’euros sur quatre ans (financés à 50 % par les industriels et à 50 % par les pouvoirs publics), dont 1,5 million d’euros pour la mise en œuvre à Pamiers d’une presse expérimentale de 1 000 tonnes. « L’outil sera opérationnel en septembre 2019 et va nous permettre de démarrer des phases de tests », précise Stéphane Hollard. Dans l’extension de ce projet collaboratif avec Airbus, l’industriel souhaite aussi associer d’autres partenaires industriels, en aval de son activité, notamment en usinage et traitement de surface.
Un groupe de réflexion se met en place auxquels participent plusieurs industriels locaux, dont les trois sociétés ariégeoises MKAD (filiale commune d’Aubert et Duval et de Mecachrome), à Varilhes, positionnée dans l’usinage de grandes pièces de titane pour l’aéronautique, Mecaprec (usinage de pièces en métaux durs) à Lavelanet et Recaero (pièces de rechange), à Verniolle. Le spécialiste du traitement de surface, Mecaprotec (44,4 millions d’euros de chiffre d’affaires, plus de 800 salariés), basé à Muret (Haute-Garonne) et la société d’ingénierie Sogeclair (159,4 millions d’euros de chiffre d’affaires, 1 685 salariés), à Blagnac (Haute-Garonne) sont également associés à la réflexion.
De son côté, Sogeclair a déjà pris le virage de la fabrication additive. Le groupe d’ingénierie a signé en 2017 un accord de partenariat avec AddUp pour créer une filiale commune dédiée au développement de projets industriels en fabrication additive métallique pour l’aéronautique, le spatial et la défense. En parallèle, Sogeclair a engagé en propre un projet de R&D portant sur l’hybridation entre les procédés de fonderie et de fabrication additive.
Baptisé Eole, il a permis de valider certains process à partir de la re-conception complète d’une trappe d’accès à la soute avionique d’un A350. La technique s’inspire de la technologie de fonderie par cire perdue, à partir d’une première structure réalisée par fabrication additive. « Notre prototype a permis de démontrer la faisabilité du procédé d’hybridation, avec un gain de poids de 30 % par rapport au procédé actuel de fabrication par usinage et assemblage de plusieurs pièces et mécanismes mécaniques », se félicite Matthier Deloubes, chef de projet innovation chez Sogeclair Aerospace. Reste maintenant à convaincre les industriels à transformer l’essai.
Source : Usine Nouvelle (L’), 16/05/2019