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Les jumeaux numériques dans l’industrie

Nous vous proposons un extrait de l’article « Les jumeaux numériques dans l’industrie » rédigé par Patrick Hairy (Responsable du Pôle Développement Métallurgie et Procédé à CTIF) paru dans la Revue Forge Fonderie, N° 18, 2019.

Le concept de jumeaux numériques (ou Digital Twins) est relativement récent (2002) et si on en parle beaucoup, le nombre de développements réels et opérationnels semble assez faible à ce jour, bien que de nombreux POC (Proof Of Concept) aient été développés. Les jumeaux numériques supposent le développement d’une modélisation en général multi-physique d’un objet ou d’un système complexe et l’intégration de capteurs sur l’objet réel afin de réaliser (dans certains cas) un suivi temps réel ?

Le potentiel des jumeaux numériques

Tout produit manufacturé peut bénéficier de son double digital. Cela peut être une simple vanne, un ascenseur, un avion de ligne, ou encore une machine-outil. Le JN peut ainsi être déployé à l’échelle d’un process complet : tous les équipements d’un complexe industriel, ou plusieurs machines au sein d’une ligne de production, jusqu’à l’usine complète. 

Les différents types de jumeaux numériques

On peut distinguer :

  • Le jumeau virtuel sans couplage avec la réalité (usine virtuelle, machine virtuelle)(…),
  • Le jumeau numérique couplé avec de la réalité augmentée permet de tester l’intervention humaine sur une machine ou une pièce complexe (montage, maintenance, soudabilité, …) (…),
  • Le « close loop digital twins » avec un couplage réel entre jumeau numérique et jumeau réel (…).

Exemples d’applications

Pompe
Un jumeau digital d’une pompe Flowserve a été développé par ANSYS ; il illustre un système multi-physique incluant les aspects fluides, électromécaniques, électromagnétiques et thermiques (…).

Climatiseur professionnel
Le fabricant Rittal travaille sur des climatisations professionnelles dont le JN surveille en permanence la température, le voltage et différents indicateurs pour passer d’une maintenance préventive à une maintenance prédictive (…).

Machines outils
Heller, constructeur de machines-outils, développe un jumeau numérique de celles-ci assurant un monitoring temps réel. L’usinage de haute précision doit répondre à un défi de taille : proposer des pièces de plus en plus complexes et précises tout en maintenant des prix les plus bas possibles. Pour répondre à ce défi Baud Industries s’est doté d’une cellule d’usinage intelligente qui s’autocorrige en temps réel. La cellule embarque également un jumeau numérique permettant de réaliser des préséries virtuelles sans immobiliser la machine (…).

Le jumeau numérique ABB
À l’heure actuelle, il est impossible d’échanger des informations entre entreprises de manière continue et transparente. Un exemple : ABB n’a pas accès aux données sur le comportement en service de ses produits, sauf si le client demande une intervention sous garantie, partage les rapports d’intervention établis par son service maintenance, ou encore fait explicitement remonter l’information au fournisseur, par l’intermédiaire d’un commercial notamment (…).Le jumeau numérique se veut la plaque tournante des échanges interentreprises ; il permet, par exemple, de gérer une sélection d’informations d’exploitation et de maintenance sur un actif et de les partager avec des tiers de manière appropriée. Les données du procédé et les modèles fournis par le jumeau numérique, de même que les résultats des simulations temps réel, aident à prédire les exigences des prochaines générations d’actifs et à en optimiser la conception (…).

Le prêt à produire dans une usine
Là où il ne fallait pas moins d’une dizaine de minutes pour configurer et mettre en service un appareil de terrain, quelques fractions de seconde suffisent. Le jumeau numérique s’en inspire pour bâtir un scénario de « prêt-à-produire ». En incorporant d’autres référentiels de l’informatique, de la communication et de l’automatisation industrielles, en particulier les recommandations d’associations d’utilisateurs comme NAMUR, le jumeau numérique fédère et uniformise toutes les données nécessaires au développement, à la mise en service, à l’exploitation et au remplacement des appareils de terrain. Le lien établi entre le jumeau numérique et son pendant physique permet aux opérateurs de télécharger automatiquement les paramètres dans les appareils et de les mettre en route. Si un remplacement physique nécessite encore un personnel qualifié, le jumeau numérique autorise une reconfiguration immédiate, sans expertise du matériel ou du procédé (…).

Jumeau numérique Latécoère
La société Latécoère a décidé de mettre en place le projet d’une nouvelle usine sur le secteur toulousain et a simulé selon 3 axes : l’implantation des moyens à l’intérieur du bâtiment, les flux de production et les aspects charge de capacité des différentes lignes de production (…).

Logiciel de simulation d’usines SOSI
SOLYSTIC a développé SOSi™, un système de jumeaux numériques qui per­met de démontrer par la simulation la faisabilité d’un concept, de le tester numériquement tout au long de son développement, et de l’intégrer de façon optimisée. SOSi™ permet de simuler en 3D tous les aspects du fonctionnement d’une solution, en faisant varier un maxi­mum de paramètres. Le processus est extrêmement rapide (un cycle de production de 14 heures se simule en une heure), ouvrant la voie à l’étude de situations impossibles à tester autrement (…).

Système et infrastructure ferroviaire
 « Le jumeau numérique nous donne une description physique du réseau, une description de l’état de ses composants, et une descriptive de la manière dont il fonctionne » note Claude Solard, Directeur général délégué Sécurité, Innovation & Performance industrielle (SNCF). « Cela permet d’aller vers la maintenance prédictive en lieu et place de la maintenance curative, mais aussi de faire de la simulation, ou encore de former les personnels sur des procédures et des cas rares (…).

Motorisation aéronautique
Les cas d’usage industriels listés sont potentiellement nombreux :  modélisation et simulation de systèmes complexes (intégration de la modélisation multi-physique), amélioration de la performance globale des systèmes complexes, accroissement de la fiabilité, meilleure appréhension de la complexité des systèmes (aide à la décision), gain de temps de conception par prototypage virtuel, amélioration de la coopération des équipes projet multidisciplinaires ou encore la surveillance et analyse de systèmes complexes (…).

Phase de conception d’un produit
Pendant la phase de conception d’un nouveau produit, le jumeau numérique d’une chaîne de fabrication permettra aussi de s’assurer par simulation de la « bonne fabricabilité » d’un nouveau produit et de préparer son introduction en production (…).

Intégration pédagogique
Pour ce qui est de la pédagogie, l’enjeu est double pour les ingénieurs : savoir développer et savoir exploiter les jumeaux numériques, c’est-à-dire modéliser et simuler des systèmes complexes.  Sur ce point, le parallèle sera fait avec l’apparition des logiciels de CAO qui ont progressivement remplacé les planches à dessin industriel. Ainsi, les établissements d’enseignement supérieur devront mettre en œuvre les modules et formations adaptés à l’acquisition des compétences de développement des jumeaux numériques. 

Des perspectives pour les métiers du métal
On l’aura compris, les métiers de la forge, de la fonderie, de la fabrication additive, et plus largement de la mise en forme des matériaux métalliques, ont toutes les qualités requises pour être au rang des premiers utilisateurs qui pourront tirer un avantage rapide de l’utilisation des jumeaux numériques sur leurs procédés industriels (…).

Cinq aspects font des métiers de la métallurgie de parfaits clients pour une exploitation rapide, efficace et diversifiée du jumeau numérique :
– la multiplicité des paramètres mis en oeuvre (mécaniques, thermiques, fluidiques, électromagnétiques, dimensionnels…),
– la complexité des phénomènes multiphysiques en jeu (et l’avantage que tout ou partie soit aujourd’hui modélisé ou modélisable),
– l’importance de la maîtrise des variations des paramètres en cours de process (avec aujourd’hui d’ores et déjà beaucoup de captation de données de production en temps réel), en lien avec les risques associés (qualité produit, fiabilité process, maintenance, sécurité, …)
– la dimension « multi-échelle », de l’unité de production à l’usine complète, de la production unitaire à la production grande série, des tests sur échantillons aux productions grande échelle, de la mise au point process à la maîtrise en production
– la capacité de nos métiers à associer numérique et physique réelle dès que nécessaire pour réduire les temps et coûts des différentes phases du développement process (en conception, en mise au point, en production … jusqu’à la GMAO).

Plusieurs projets sont à l’étude, et les POC devraient se multiplier dans les mois à venir. CTIF s’inscrit dans cette dynamique, avec différents projets en cours ou en montage,
associant partenaires académiques, éditeurs de logiciel, développeurs process, et partenaires industriels, respectivement sur les domaines du CND, de la Fabrication
Additive, de l’Instrumentation process. Que ce soit en réalité augmentée, en surveillance de process, en prédiction (de qualité, de comportement ou de durée de vie), en auto correction (des dérives ou des incidents), en contrôle de production (CND, autres), en Plan
d’Expérience Numérique (réduction des temps et efforts de développement), l’association de la modélisation de systèmes complexes, à l’instrumentation et mesure en temps réel en fonderie, forge et fabrication additive, devrait permettre de nouveaux progrès majeurs en compréhension, maîtrise et amélioration des technologies mises en oeuvre. Ce sont donc des produits et procédés connectés et « jumelés » qui vont contribuer à doper le progrès de nos industries du futur (pas si lointain !).

Pour nous contacter : CTIF.
Pour contacter l’auteur : Patrick Hairy.