« Les alliages aluminium-scandium sont le futur de l’aéronautique », affirme Vladislav Soloviev, DG de RUSAL
Longtemps premier producteur mondial d’aluminium, le russe Rusal s’est fait supplanter à la première place par le chinois Hongqiao en 2015. Il revendique la place de leader de l’aluminium durable et travaille sur les alliages aluminium de demain, explique son directeur général Vladislav Soloviev dans un entretien exclusif accordé à l’Usine Nouvelle à l’occasion de sa visite à Paris pour le Forum de haut niveau sur le prix du carbone, le 10 juin au ministère de l’Environnement.
L’Usine Nouvelle – Quelles sont selon vous les perspectives sur le marché de l’aluminium ?
Vladislav Soloviev – La demande se porte bien, avec une croissance mondiale de 5,6% et une demande chinoise en hausse de 7 %. Les producteurs situés hors de Chine ne produisent pas au-delà de la demande, et il n’y a pas de projet de nouvelles capacités en cours de développement en dehors de Bahrein qui va étendre Alba, mais ce projet n’entrera pas en production avant 2018-2020. L’équilibre offre/demande est relativement stable. Les exportations chinoises n’augmentent pas non plus, et la Chine a lancé l’implémentation d’un programme de consolidation et de contrôle des coûts. Nous pourrions arriver à un déficit, qui rendrait rentables des importations vers la Chine. Le marché se porte bien, tiré principalement par la demande du secteur transport, dont l’intensité aluminium est en hausse.
Mais la substitution par des composites se porte bien elle aussi ? Airbus a pratiquement divisé par trois la part de l’aluminium entre l’A380 et l’A350.
Je ne vois pas de risque de ce côté-là, à part peut-être sur le Dreamliner, mais globalement les avions les plus populaires comme le Boeing 737 sont composés majoritairement d’aluminium. Les composites sont difficiles à souder, ils posent des problèmes de maintenance, donc dans les dix prochaines années la substitution n’est pas une menace. L’aluminium reste plus fiable. La construction va toujours mal, mais la reprise se profile. L’emballage se porte bien également. Mais le transport reste le principal levier de croissance.
Quels sont les alliages sur lesquels travaille votre service R&D ?
Il travaille sur les alliages aluminium-scandium, qui sont définitivement le futur de l’aéronautique, mais aussi de la construction et du transport, en raison de ses propriétés de résistance pour un poids réduit. Le problème est le coût du scandium, mais nous travaillons sur notre propre technologie pour extraire le scandium des boues rouges, à moindre coût. Et nous en sommes proches. Le second projet est un matériau de substitution de l’acier par l’inclusion de nanotubes de carbone dans l’aluminium. Nous pensons sortir un premier alliage cette année pour le câblage. Toujours dans les câbles, nous produisons déjà des alliages aluminium-zirconium. Nous développons, enfin, une anode inerte, sans carbone, pour l’électrolyse.
Les prix permettent-ils à l’industrie de l’aluminium de trouver sa rentabilité ?
Les prix sont plutôt satisfaisants, à près de 1600 dollars la tonne. En raison de la chute des prix de l’aluminium, Rusal a tout de même dû mettre en sommeil 5 de ses 14 fonderies, 4 de ses 11 raffineries et l’une de ses 8 mines.
La reprise se profile-t-elle ?
La crise nous a aidés à faire du ménage dans nos sites, tant en termes d’efficacité énergétique que de rentabilité. Et nous avons deux bons projets, l’usine métallurgique de Boguchansk et celle de Taichet [près d’Irkoutsk en Sibérie], que nous allons mener à bien. Mais tout ce métal est destiné au marché national russe, où l’aéronautique et l’automobile sont en croissance, tout comme le câblage. Cette production d’aluminium ne partira pas à l’export, nous ne comptons pas secouer le marché global. Et nous n’avons pas d’autre projet de nouvelles capacités.(…)
Usine Nouvelle (L’), 14/06/2016