GIGADEF, un projet qui ne manque pas d’ambition

Projet Gigadef – Visualisation en 3D de la propagation d’une fissure de fatigue interne amorcées à partir d’un défaut dans l’Aluminium moulé.
Une expérience de fatigue in situ unique à ce jour (20 KHz sous rayonnement synchrotron) pour permettre de maîtriser la nocivité des défauts internes !
Le projet GIGADEF[i] ou comment détecter et suivre une fissure de fatigue interne amorcée à partir d’un défaut dans une pièce métallique, est un projet ambitieux à portée internationale.
En effet, quantifier la propagation d’une fissure de fatigue interne et déterminer dans quel environnement elle se propage représentent un enjeu important pour les industriels. Les calculs de prise en compte de l’impact des défauts sur la durée de vie en fatigue ne font pas, actuellement, la différence entre les défauts de surface et les défauts internes. Or, le fait que la plupart des ruptures conventionnelles révèlent un amorçage de surface montre indirectement que les défauts internes sont moins nocifs dans le domaine des grandes durées de vie au moins. Bien comprendre la différence de comportement en fatigue entre les fissures de surface et les fissures internes peut permettre un gain important de productivité par la diminution des rebuts si on peut démontrer que les défauts internes sont moins dangereux que les défauts de surface dans le domaine des grandes durées de vie.
Ce projet a fourni de plus des données expérimentales utiles à l’évolution des normes de Contrôle Non Destructif qui tendent vers une prise en compte 3D de l’observation des défauts (pour certaines industries comme l’aéronautique).
Une expérience de fatigue in situ unique à ce jour
Le projet GIGADEF, financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et conduit par quatre laboratoires et un centre technique (MATEIS, I2M, PIMM, Institut P’ et CTIF) a débouché sur la mise en place d’une expérience de fatigue in situ unique à ce jour. Le projet a permis également d’obtenir les données quantitatives indispensables au progrès à réaliser pour prendre en compte l’effet des défauts internes dans le dimensionnement en fatigue des composants contenant ces défauts.
Les deux retombées principales sont la mise en place d’une expérience de laboratoire unique au monde à ce jour (essais ultrasoniques in situ sous rayonnement synchrotron) et la perspective de pouvoir prendre en compte, avec des données quantitatives, la nocivité des défauts internes (loi de propagation et mécanismes associés).
Deux matériaux ont été retenus : un aluminium moulé aéronautique Al Si7Mg0.6 KT6 (version aéronautique de l’alliage d’Aluminium moulé utilisé pour les jantes de voiture) et un alliage de titane forgé Ti64.
Objectifs
L’objectif principal du projet a été de détecter et de suivre une fissure de fatigue interne amorcée à partir d’un défaut dans une pièce métallique sous sollicitation.
Pour aboutir à cet objectif, il a été nécessaire de se placer dans le domaine des très grandes durées de vie, au-delà de 10 millions de cycles, dans le but de favoriser l’amorçage interne. Afin de détecter et de suivre une fissure de fatigue interne dans un matériau métallique il faut :
- Fabriquer des éprouvettes de fatigue contenant des défauts internes contrôlés. Les matériaux moulés possèdent des défauts répartis dans tout le volume. Le premier enjeu a été de mettre en place une méthodologie pour fabriquer une éprouvette de fatigue contenant un défaut interne centré nettement plus gros que les autres défauts de l’éprouvette et éviter autant que possible les défauts en surface.
- Concevoir et fabriquer une machine de test ultrasonique / in situ au synchrotron afin de favoriser l’amorçage interne en nous plaçant dans le domaine de la fatigue gigacyclique (fatigue ultrasonique pour avoir des temps d’essais raisonnables).
- Mettre au point des techniques de détection et de suivi d’une fissure interne. Le choix de l’essai ultrasonique implique un nombre de cycles très important pour des temps très courts, il est donc nécessaire d’assurer un suivi in situ robuste. Le troisième enjeu a été de mettre en place des techniques de détection et de suivi de fissure interne in situ (analyse fréquentielle, thermographie infrarouge).
- Analyser des images tomographiques pour comprendre les mécanismes d’endommagement internes. L’imagerie par tomographie au synchrotron d’une fissure interne nécessite une machine de fatigue et un système de mise en charge de sorte à ouvrir la fissure lors de l’imagerie et augmenter la précision de la mesure de la position du front de fissure. Par ailleurs, le système d’imagerie a été choisi en fonction du matériau.
Fabrication des éprouvettes contenant des défauts internes – Alliage d’Aluminium moulé Al Si7Mg0.6 KT6. La technique de fabrication de défaut interne contrôlé est maîtrisée. 146 éprouvettes ont été coulées et analysées par CTIF : contrôles non destructifs, microstructure et traction :
Fabrication des éprouvettes contenant des défauts internes artificiels – Titane forgé Ti 64 (laboratoire MATEIS) :
Conception et fabrication (laboratoire I2M) de la machine de fatigue ultrasonique pour tests in situ au synchrotron. Essais de fatigue de 1 million à 1 milliard de cycles (favoriser l’amorçage interne), détection de fissure interne de 100 µm : vibromètre laser et thermographie infrarouge (laboratoire PIMM), suivi de propagation de fissure : imagerie de la fissure en 3D au synchrotron (résolution 1 µm3) :
Fractographie en Microscope électronique à balayage après test in-situ sous rayonnement synchrotron. Les essais réalisés sur les micro-éprouvettes de titane contenant les défauts internes (20 Hz) ont permis de suivre en cours d’essai de fatigue des fissures internes et démontrer que ces fissures se propagent sous vide dans le Titane (laboratoires MATEIS et P’). Par conséquent, les défauts internes sont moins nocifs en fatigue que les défauts de surface :
Visualisation 3D de l’avancée d’une fissure interne autour d’un défaut dans l’Aluminium En images : Visualisation 3D
Conclusion
En abordant la problématique de la nocivité en fatigue des défauts internes, les équipes de recherche impliquées dans ce projet ont répondu à un enjeu essentiel celui de faire évoluer les règles de prise en compte de l’impact de ces défauts sur la tenue en fatigue et doit permettre de concevoir au plus juste, alléger les structures et réduire les rebuts en augmentant ainsi la productivité.
Partenaires : I2M – PIMM – MATEIS – Institut P’ – CTIF
Contact CTIF : Yves Gaillard, Expert Procédés et Métallurgie Aluminium.
Contact Institut P’ : Yves Nadot, Professeur à l’ISAE-ENSMA
[i] Fatigue GIGAcyclique à partir de DEFauts internes. Projet financé par l’ANR – Agence Nationale de la Recherche – Convention ANR-16-CE08-0039-04.