Alliage magnétique imprimé au moyen de poudres non magnétiques
Une étude récente a révélé que la fabrication additive (AM) permettait d’imprimer des matériaux légèrement magnétiques au moyen de poudres non magnétiques. En outre, leurs propriétés magnétiques sont susceptibles d’être adaptées en cours de production in situ. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives à l’impression d’alliages magnétiques.
La fabrication additive (AM) autorise l’impression de formes complexes dont la production par le biais de techniques classiques telles que le moulage, le laminage ou l’estampage, serait trop coûteuse, voire impossible. Par ailleurs, la fabrication additive permet aussi de réaliser des matériaux à gradient de structure dont les propriétés physiques et structurelles varient en fonction de leur localisation au sein du matériau ou du produit.
Ces avancées ont convaincu une équipe de chercheurs russes, issus entre autres de Scholtech, d’employer une imprimante 3D pour créer, par fusion de deux matériaux, un alliage dont la composition évolue en continu d’une extrémité de l’éprouvette à l’autre, l’alliage obtenu présentant dès lors des propriétés magnétiques graduelles. En dépit de la nature non magnétique des matériaux constitutifs, l’alliage réalisé s’avère donc magnétique.
Propriétés à gradient
Outre la production de pièces à partir d’un matériau homogène ou d’un mélange, la fabrication additive permet de faire varier la composition d’une pièce d’une extrémité à l’autre de celle-ci. En conséquence, cette pièce hérite de propriétés qui évoluent sans discontinuer. Dans le cadre de leurs investigations, les chercheurs ont imprimés un barreau en alliage bimétallique dont la composition passe successivement de 100 % d’un métal donné à 50 % de chacun des deux métaux, puis à 100 % de l’autre métal. À condition que les matériaux concernés s’allient volontiers, sans présenter aucun risque de défauts structurels, les propriétés graduelles du barreau considéré, magnétisme inclus, sont techniquement applicables à la fabrication de transformateurs, rotors pour moteurs et bandes pour codeurs magnétiques.
Pour mener à bien leurs expériences, les chercheurs ont eu recours à des alliages en bronze d’aluminium (composés de cuivre, d’aluminium et de fer) et en acier de haute qualité SS 316L (inox, essentiellement composé de fer, de chrome et de nickel). Ces deux alliages sont non magnétiques. Toutefois, pour peu qu’on les mélangent dans des proportions identiques, l’alliage légèrement ferromagnétique qui en résulte subit l’attraction d’aimants permanents (sans se comporter pour autant comme un aimant).
Contrairement à l’usage, nos chercheurs n’ont eu recours à aucune poudre préalablement mélangée. Pendant l’impression en 3D, ces derniers ont procédé au mélange de différentes poudres dans des proportions variables par l’intermédiaire de trois dispositifs d’alimentation distincts, vraisemblablement une première dans ce domaine.
Les propriétés magnétiques du barreau métallique évoluent sans discontinuer de l’absence de magnétisme au ferromagnétisme et réciproquement, en faisant évoluer le rapport de proportionnalité entre les deux matériaux constitutifs du barreau : acier de qualité marine (316L) et bronze d’aluminium
(Source : Oleg Dubinin et al./The Journal of Materials Processing Technology)
Installation d’essai
Les chercheurs ont créé cet alliage à gradient au moyen d’une machine DED 3D InssTek MX-1000, fonctionnant sur le principe du dépôt direct par laser. En d’autres termes, le matériau sous forme de poudre (granulométrie comprise entre 45 et 145 µm) injecté dans une buse est simultanément fondue par un laser dont la puissance s’élève à 420 W pour un débit de 850 mm/min. Cette fusion in situ lors du processus d’impression, avec des vitesses d’alimentation de poudre variables permet d’obtenir des matériaux dont la composition et les propriétés varient en fonction de la hauteur.
Dans ce travail le but était de réaliser l’impression d’aimants doux à partir de poudres non magnétiques, dont les propriétés magnétiques dépendent du rapport de proportionnalité entre les deux matériaux constitutifs.
Quant à l’apparition des propriétés ferromagnétiques, ces recherches ont également donné lieu à une interprétation théorique s’appuyant sur la structure atomique de l’alliage. Alors que les deux matériaux initiaux présentent une structure cristalline cubique à faces centrées (FCC), la combinaison qui en résulte se distingue par une structure cristalline cubique centré (BCC). Initialement, les atomes de métal se situent dans les coins et à la surface de cubes virtuels ; en fin de parcours, les atomes de métal se situent au centre de ces cubes, plutôt qu’à leur surface. C’est à cet agencement que le matériau doit ses propriétés ferromagnétiques. Méthodologie éprouvée de calcul des propriétés cinétiques, thermodynamiques et autres de systèmes à composants multiples, CALPHAD permet de prévoir, avec une précision satisfaisante, la composition phasique des matériaux à gradient obtenus. Dès lors, une optimisation efficace des performances devient envisageable.
(a) Schéma fonctionnel de l’installation d’impression illustrant les différents dispositifs d’alimentation ainsi que le barreau produit au moyen de différents alliages (après traitement mécanique)
(b) Cartographie EDS des différentes zones que présente le barreau. S’agissant des principaux éléments que sont le fer (Fe), le cuivre (Cu) et l’aluminium (Al), une évolution est perceptible ; en effet la teneur en Fe diminue de la zone 1 à la zone 7, tandis que la concentration en Cu et en Al augmente.
Potentiel
Les résultats de cette étude ouvrent de nouvelles perspectives à l’impression 3D d’alliages magnétiques à gradient, en particulier pour la production de pièces à magnétisation variable de 0 à 49 emu g-1 et à faible coercivité, variant de 43 à 81 G. Les alliages magnétiques doux à gradient trouvent leur application dans la construction de machines. Exemple : moteurs électriques.
Ces travaux révèlent de surcroît que non content d’autoriser l’impression 3D de matériaux à gradient. Le dépôt direct par laser (DED) permet également de découvrir de nouveaux alliages. Cette technologie d’une efficacité extrême est parfaitement adaptée à la production rapide de pièces de grandes dimensions.
Propriétés magnétiques de l’alliage (bronze d’Al) x (acier 316L)1-x, pour différentes valeurs de x : (a) courbe de magnétisation ; (b) magnétisations saturées
Source : Techniline by Sirris, 19 novembre 2021
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