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400 000 morts par an aux Etats-Unis : quand l’EPA a du plomb dans l’aile

Une étude publiée dans le journal The Lancet Public Health en mars 2018 a fait le lien entre l’exposition au plomb et le décès de 400 000 personnes/an aux Etats-Unis, notamment en raison de maladies cardio-vasculaires induites par la présence de plomb dans le sang. Cette étude a porté sur un échantillon de population de 14289 adultes entre 1988 et 2011. D’après l’OMS, il n’existe pas de seuil sous lequel l’exposition au plomb serait sans danger .
Longtemps utilisé pour la fabrication des canalisations d’eau, entre autres pour sa facilité d’utilisation, l’usage du plomb a progressivement été limité grâce par exemple au « Safe Drinking Water Act » qui en 1986 a interdit l’usage de tuyaux contenant plus de 8% de plomb (les conduites contenant moins de 8% de plomb étaient alors considérées comme sans plomb). En 2011, ce taux est passé à 0.25% pour les surfaces en contact direct avec l’eau lorsqu’elle est destinée à la consommation.
Cependant, du fait de l’ancienneté de nombreuses installations, le plomb dans l’eau potable reste un enjeu de santé publique important aux Etats-Unis.
En 2016, suite à une contamination au plomb généralisée de l’approvisionnement en eau, l’état d’urgence fut déclaré dans la ville de Flint située dans le Michigan à 100 km au sud de Detroit (125 000 habitants). Avant 2014, l’approvisionnement en eau de cette ville était assuré par l’agence de distribution d’eau de Detroit à partir du lac Huron. A la suite de la crise économique et de la mise en faillite de la ville de Detroit en 2013, la ville de Flint dont la situation financière était critique décida par mesure d’économie de s’affranchir de l’agence DWSD et de créer sa propre unité de traitement d’eau directement à partir de la rivière Flint. Malheureusement, l’eau de la rivière, beaucoup plus riche en chlore entraîna une corrosion généralisée des anciennes canalisations riches en plomb. Selon Thérèse Olson, professeure dans le département de génie civil et environnemental de l’université du Michigan, qui a analysé les causes du phénomène, des inhibiteurs de corrosion auraient permis d’éviter la contamination de l’eau par le plomb mais l’exploitant public y renonça pour faire des économies.
Cette contamination qui d’après une étude de Virginia Tech, concernait en 2015 40% des foyers de Flint ne s’est pas limitée au plomb. Le relargage de métaux dans l’eau aurait ainsi favorisé le développement d’une bactérie, Legionella pneumophila, responsable de la légionellose. La légionellose, potentiellement mortelle serait ainsi responsable de la mort de 12 personnes à Flint. Suite à ce scandale de nombreux procès ont été intentés. 15 personnes ont été inculpées pour 51 chefs d’accusations, allant d’homicide involontaire à mauvaise conduite dans l’exercice des fonctions. Un recours collectif (class action) a par exemple été lancé en avril 2016 par 514 personnes réclamant 220 millions de dollars en raison d’une mauvaise gestion de la crise par l’EPA. Ce mouvement a progressivement grandi, jusqu’à réunir 1700 personnes réclamant 722 millions de dollars en janvier 2017.
Cette crise sanitaire sans précédent a provoqué une prise de conscience sur la vétusté des réseaux d’approvisionnement en eau aux Etats Unis et a mis en lumière l’incapacité des pouvoirs publics à assumer leurs responsabilités, particulièrement dans les zones défavorisées : la ville de Flint est la plus pauvre des Etats-Unis, 42% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et est à majorité noire (56%).
A la suite de ce scandale sanitaire, le 8 mars 2018, Scott Pruitt, administrateur de l’agence pour l’environnement américaine (EPA) a reçu une lettre envoyée par deux membres du congrès, Louise M. Slaughter et Gwen Moore exigeant le remplacement total des tuyaux contenant du plomb (seule méthode totalement fiable) ainsi que l’augmentation du nombre de contrôles de la qualité de l’eau (les grands services d’approvisionnement en eau n’étant autorisés à échantillonner qu’une fois tous les trois ans).
Il s’agirait d’un chantier évalué à 30 milliards de dollars, mais qui est justifié par une étude de la « The American Water Works Association » (AWWA) estimant le nombre de tuyaux en plomb en service entre 3.3 et 10 millions.
En juin 2017, l’EPA était censée réviser les règles concernant le plomb et le cuivre. Cette date a cependant été repoussée à deux reprises par l’administration du président Trump. La réforme est maintenant prévue pour Aout 2018.
Avec une baisse de budget de 23% proposée par le président Trump pour l’année 2019, il semble peu probable que l’EPA soit en capacité d’améliorer significativement la situation au cours des prochaines années.

Source : [france-science.org, 13/04/2018]
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